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Les enjeux de la nuit

La nuit, c’est une absence de lumière qui a partiellement partie liée avec l’horloge biologique.

En ce sens, elle est souvent, à tort, opposée au jour, et implicitement définie comme le temps de l’inactivité, du repos [1] ou de la fête. Sans compter le recours aux trois huit, une rapide revue des métiers de la nuit [2] (réceptionnistes, agents d’entretien, boulangers, agents de sécurité, personnels soignants, barmen et serveurs, trieurs indexeurs à la poste...) suffit néanmoins à rappeler la continuité et l’entrelacement entre les activités diurnes et nocturnes [3].


De même, la composition de la commission de vie nocturne ou celle des groupes de travail des États généraux de la nuit révèle combien le cadrage de la nuit par la mairie de Lille est réducteur.

En somme, il s’agit de s’assurer que la fête – et les activités économiques qui lui sont liées – puissent se dérouler en minimisant les nuisances (sécuritaires, sonores, sanitaires) et en garantissant la « tranquillité publique ». Pour autant, même en ne se tenant qu’à la vision festive de la vie nocturne, les enjeux semblent accaparés par les problématiques des bars et discothèques.

Propositions :

  • Revoir le fonctionnement de la commission de vie nocturne pour prendre en compte les aspiration des habitants.
  • Mise en œuvre d’un plan acoustique, non limité au centre ville, avec des aides sur la même modalité que pour le plan terrasse.

Sectorisation spatiale et professionnelle de la vie nocturne :

La vie nocturne n’est pas que nuisance. C’est au contraire une séquence de la journée, propice à la détente, à la sociabilité, aux rencontres, à la discussion voire aux mobilisations. De ce point de vue, il n’est pas compréhensible que la vie nocturne soit concentrée dans certains quartiers (rues Masséna, Solférino et Vieux Lille) en vertu des dérogations municipales accordées au régime général (ouvertures tardives à 3h, contre minuit en semaine, 1h le vendredi et 2h le samedi).

Il serait sans doute préférable de mettre fin à cette sectorisation qui génère une concurrence déloyale et aboutit à concentrer les nuisances (incivilités, bruit, vulnérabilité ...). Sauf à remettre tous les établissements au régime général, on pourrait envisager d’accorder plus largement les ouvertures tardives (sous condition du respect de la règlementation, notamment vis-à -vis de l’acoustique), voire même d’étendre les horaires de fermeture (ce qui permettrait d’éviter les migrations nocturnes de flux de population à partir de 3h)..

En outre, on est en droit de se demander pourquoi les établissements vendant de l’alcool bénéficient d’ouvertures tardives alors que ce « privilège » n’est accordé – par tradition – qu’à deux restaurants lillois [4] ? Cette situation de pénurie concernant la restauration tardive a d’ailleurs engendré le développement d’une vente ambulante nocturne illégale, elle-même source de nombreux attroupements nocturnes..

Accès à la « culture » :

Les cafés-culture ou cafés-concerts, des lieux de petite taille pouvant accueillir occasionnellement des artistes, sont soumis à une multiplicité de règlementations très contraignantes qui mettent en péril leur existence. Ce sont pourtant des acteurs de premier plan concernant la promotion d’acteurs locaux et, plus généralement, la diversité et la démocratie culturelle. Il convient de réfléchir à des normes davantage adaptées à la taille des petits lieux, développer la concertation avec les administrations publiques et les riverains. (voir http://bar-bars.com)

La discrimination à l’entrée. Travailler en lien avec les associations pertinentes (Kif Kif notamment) pour éviter les pratiques discriminantes à l’entrée des discothèques et bars employant des physionomistes.

Hyper-alcoolisation

Enjeu montant des politiques de sécurité urbaine, l’hyper-alcoolisation – en particulier des jeunes – ne peut pas être ignorée. Aucune solution miracle ne peut être proposée pour un enjeu aux causes aussi multiples. Nous pouvons cependant diversifier davantage les modalités de prévention, poursuivre la promotion du label « quality bar » ou, de manière plus positive, de réfléchir – en lien avec le service Jeunesse – à une offre festive alternative (événements sans alcool mêlant concerts, karaoké, dj-sets, tournoi de ping pong... ou encorre l’ouverture des installations sportives) à l’instar de ce qui se pratique dans certaines villes espagnoles (Oviedo, Gijon) ou à Rennes (avec les soirées Dazibao [5]).

Transports publics nocturnes

L’accès à l’espace public nocturne suppose aussi l’existence d’une offre publique (gratuite !) de mobilité nocturne, afin d’offrir une alternative à de longs déplacements piétons ou à l’usage de la voiture.

Espaces de médiation et de délibération concernant les enjeux nocturnes

L’existence d’une Commission de vie nocturne depuis 2003 est sans doute un outil utile pour échanger les informations entre professionnels de la nuit, services de la mairie, polices municipale et nationale. Sa composition mériterait d’être élargie pour en faire un outil plus pertinent. Actuellement, seuls les patrons de bar et de discothèques sont représentés, avec une forte représentation des quartiers festifs. Il conviendrait non seulement d’élargir cette représentation aux autres quartiers mais, surtout, d’élargir la composition à d’autres acteurs municipaux (service culture, service jeunesse), associatifs (association luttant contre la discrimination par exemple, mais aussi associations de riverains) et aux salariés concernés afin de faire de la CVN autre chose qu’un lieu d’exercice du lobbying marchand.

L’autre innovation à la mode, portée par le Collectif Culture Bar-Bar, expérimentée à Amsterdam depuis le début des années 2000, et reprise par Anne Hidalgo à Paris, c’est l’élection d’un maire de nuit. Mesure qui a le mérite de déconnecter la vie nocturne des seuls enjeux sécuritaires et de donner à voir la diversité des enjeux nocturnes.

Notes :

[1Un enjeu spécifique à la nuit est bien évidemment la problématique du droit au logement et de l’hébergement d’urgence.

[2Juridiquement, le travail de nuit est celui réalisé de 21h à 6h.

[3En 2009, 15,2% des salariés travaillent la nuit, soit près de 3,5 millions de personnes (enquête emploi 2009, Insee/Ministère du Travail). Il serait peut-être utile de réfléchir aussi à la question des crèches de nuit.

[4La Chicorée, le Pékin.

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