« Taxe sur le Capital » : halte à l’intox !
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Financement du RSA : les grandes fortunes et les entreprises épargnées

RSA . Le chef de l’État prétendait taxer certains revenus financiers, déclenchant un semblant de trouble à droite et dans le patronat. On est pourtant loin du compte en matière de justice fiscale...


Sarkozy égratigne les revenus du capital

Approbations dans la gauche socialiste, vives critiques parmi les députés UMP et au MEDEF... Encore un peu, et on en perdrait presque son latin politique... Telle qu’elle a été médiatiquement présentée, l’annonce par Nicolas Sarkozy d’une taxation des revenus du capital pour financer un effort en faveur des plus défavorisés pouvait jeter un certain trouble. Dans un discours, hier en Mayenne, consacré au projet de revenu de solidarité active (RSA), qui devrait entrer en application au 1er juillet 2009, le chef de l’État a officialisé l’idée de le financer par une taxation supplémentaire de 1,1 % des revenus du patrimoine et de placements (dividendes d’actions, assurance vie). « L’État prendra ses responsabilités. Ce ne sont pas les déficits qui financeront la réforme (...) J’estime qu’il est normal, dans un effort de solidarité, que chacun contribue à sortir plus de 3 millions de nos compatriotes de la pauvreté ou de l’exclusion », a-t-il déclaré à Changé, dans la banlieue de Laval. Cette décision représente sans doute une inflexion par rapport à l’intention initiale du gouvernement de financer le RSA en amputant la prime pour l’emploi (PPE), versée à 9 millions de salariés à bas revenus. Les pauvres auraient payé pour les plus pauvres. Dans le contexte d’un fort mécontentement sur le pouvoir d’achat, et d’un puissant sentiment d’injustice depuis le « paquet fiscal » de l’été dernier, le changement n’est pas sans signification.

La « surtaxe » rapporterait 1,5 milliard d’euros

En lieu et place, ce sont donc, nous dit-on, les plus riches qui seront mis à contribution. Belle affiche politique, pour sûr. La réalité est toutefois moins ronflante. Ramenons les choses à leur juste mesure. La « surtaxe » évoquée rapporterait 1,5 milliard d’euros. Pour un coût global du RSA estimé à 13 milliards d’euros. La charge de l’effort sera donc, pour l’essentiel, encore supportée par l’ensemble des contribuables. Contrairement à ce que pourraient faire croire les cris d’orfraie poussés par un Édouard Balladur ou une Laurence Parisot, ce modeste prélèvement supplémentaire sur les revenus du capital ne signifie pas un changement radical de la politique suivie par la droite ces dernières années en matière fiscale. Une tendance caractérisée par « un mouvement général de repli de l’imposition des revenus élevés, des capitaux, du patrimoine, des investisseurs, des multinationales », note le Syndicat national unifié des impôts (SNUI). Et illustrée encore par le « paquet fiscal », paquet cadeau offert, pour l’essentiel, aux bénéficiaires de revenus sur le patrimoine et aux assujettis à l’impôt sur la fortune, et dont le montant atteint les 13 milliards d’euros. À comparer, donc, avec le 1,5 milliard de rendement espéré de la nouvelle taxe... La remise en question de ces avantages, et des nombreux abattements, niches fiscales et autres mesures dérogatoires dont bénéficient les privilégiés de la fortune, constituerait une première piste alternative possible pour financer une politique sociale.

La gauche, et singulièrement le PCF, avance, de longue date, l’idée d’une taxation des revenus du capital, en particulier pour contribuer au budget de la Sécurité sociale. Mais il s’agirait d’abord de faire cotiser les revenus financiers, spéculatifs, des entreprises et des banques, qui avoisinent les 80 milliards par an. Des revenus actuellement exonérés de toute contribution, et qui sont, aujourd’hui encore, épargnés par la « surtaxe » décidée par Nicolas Sarkozy. Les faire payer à même hauteur que les salariés rapporterait, selon des estimations environ 10 milliards d’euros par an.

Ce système « encourage le maintien des très bas salaires »

On le voit, on est bien loin, avec cette décision du chef de l’État, de « mesures courageuses » dépassant « les clivages idéologiques », vantées hier par l’un de ses chauds supporters, le maire UMP de Nice Christian Estrosi. Cette pichenette sur les revenus financiers n’en reste pas moins - mais cela ne surprend pas - insupportable aux yeux de certains, telle la présidente du MEDEF qui, prédit, sans crainte du ridicule, un déluge de prélèvements obligatoires, ou l’ancien premier ministre Édouard Balladur qui en appelle plutôt à « des économies dans les dépenses budgétaires ».

Cette affaire ne résume cependant pas le débat provoqué par le RSA, qui doit être présenté en Conseil des ministres le 3 septembre. Son principe même est sujet à controverse. « Le RSA est d’abord un outil de retour à l’emploi qui représente une vraie révolution culturelle dans notre approche des politiques sociales », claironnait hier Laurent Wauquiez, secrétaire d’État à l’Emploi. En vérité, analyse, entre autres, le PCF, ce nouveau système « encourage le maintien des très bas salaires » et, « pire, accroît la pression à la baisse sur l’ensemble des salaires ». À suivre.

Yves Housson, dans l’Humanité du 29 août 2008

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