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Le triste anniversaire de l’euro

La monnaie unique, dont les chantres de l’Europe libérale avaient tant vanté les mérites supposés, a fêté ses dix ans dans une parfaite discrétion.

Le dixième anniversaire de la monnaie unique européenne sera passé presque totalement inaperçu. Aucune initiative spectaculaire des médias ou du gouvernement qui, par cette célébration, aurait pu clore la présidence française dans le faste. La Commission européenne elle-même, jamais pourtant avare dans l’exercice de l’autosatisfaction, s’est montrée particulièrement discrète.


« Cela fera dix ans ce mois-ci que les responsables européens ont pris la décision historique de lancer l’euro, se contente-t-elle d’affirmer. Aujourd’hui, 320 millions d’Européens vivant dans 15 pays, soit plus que la population des États-Unis, utilisent la même monnaie et profitent des avantages apportés par le marché unique. L’euro a en outre permis d’assainir les finances publiques et d’améliorer les politiques macro-économiques, et donc de créer des emplois. » Sobrement, la Commission salue l’arrivée dans le club d’un nouveau pays, la Slovaquie, et émet pour l’occasion une pièce commémorative de 2 euros.

Il y a dix ans, l’arrivée de l’euro nourrissait bien d’autres espoirs : « C’est sans doute l’événement le plus important depuis la création de l’Union européenne dans le traité de Rome », jugeait l’ancien président de la République Valérie Giscard d’Estaing le 31 décembre 1998. Ce même jour, chacun y allait de son couplet. Jack Lang, comme président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, rendait hommage aux « pères fondateurs de l’euro et, au premier chef, François Mitterrand, Helmut Kohl et Jacques Delors ». « Ils ont lutté contre vents et marées pour que ce rêve devienne réalité », ajoutait-il. Dans l’emphase, François Bayrou n’était pas en reste : « La journée de naissance de l’euro rachète en partie ce siècle marqué par tant de drames. »

« l’instrument au profit des multinationales »

Plus prosaïque, Michel-Édouard Leclerc jugeait qu’il « va y avoir un alignement des tarifs des fournisseurs à la baisse dont bénéficiera le consommateur ». « L’euro, loin d’être un facteur d’inflation, va être un facteur accélérateur de la concurrence », prédisait-il. Le patron se montrait ainsi en accord avec le MEDEF pour qui « la naissance de l’euro représente une formidable avancée pour l’Europe et l’économie française. Avec l’euro, les entreprises françaises devraient bénéficier d’une plus grande stabilité des taux d’intérêt et ne seront plus pénalisées par les dévaluations compétitives intra-européennes », soulignait l’organisation patronale. « La monnaie unique est un défi, car l’euro signifie avant tout plus de concurrence et demandera donc des efforts à tous », prévenait-elle. Il y eut pourtant quelques notes discordantes. « La grande europhorie de cette Saint-Sylvestre 1998 ne parviendra pas à faire oublier l’évidence que la monnaie unique n’apportera pas aux peuples d’Europe l’avenir en rose qu’on leur prédit », affirmait Alain Bocquet, président du groupe communiste à l’Assemblée nationale. Il arguait que « l’euro est bien l’instrument monétaire mis en place pour la guerre économique au profit des multinationales et des puissants ».

À qui l’histoire donne-t-elle raison en cette matière ? Mercredi, la Tribune affirmait en titre que « dix ans d’euro n’ont pas mis fin à l’hégémonie du dollar ». « La devise américaine reste la première monnaie de transaction, de facturation et de réserve. L’euro ne rivalise avec elle que comme monnaie d’emprunt », expliquait le quotidien. Pour le Figaro, « l’euro fête ses dix ans dans la tempête ». « Personne n’a vraiment le goût à la fête, ni même à dresser des bilans », assure le quotidien. « La crise bancaire et immobilière est passée par là , souligne-t-il. L’Espagne et l’Irlande, pendant très longtemps les rubans bleus de la croissance dans l’euroland, sont désormais les plus durement frappées par le retournement de la conjoncture mondiale. »

Olivier Mayer, dans l’Huma du 2 janvier 2009

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