Interview de Gilles Balbastre
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Transport de marchandises : changeons d’ère !

Gilles Balbastre, réalisateur des « Nouveaux chiens de garde » (2011), propose un nouveau documentaire sur l’abandon du fret ferroviaire (transport des marchandises par le train) en France.

Vous trouverez ci-dessous notre interview du réalisateur, ainsi que le film visible dans son intégralité :


C’est votre deuxième documentaire sur la SNCF. Est-ce un sujet qui vous touche particulièrement ou est-ce dû à une demande massive des cheminots ?

Je dirais les deux. Tout d’abord, je suis fils de cheminot et j’ai eu l’occasion de bosser durant les vacances d’été à la fin des années 70 à la SNCF. J’étais aide-conducteur sur des trains de marchandises et à l’époque plus de 40% des marchandises étaient encore transportées par le rail. Mon père du reste travaillait dans un triage à coté de Bordeaux, le triage d’Hourcade. J’ai eu l’occasion ensuite dans mon métier de journaliste et de réalisateur de réaliser des reportages et des documentaires sur les services publics et notamment sur la dérégulation de la SNCF à partir des années 2000. Donc le sujet me touche effectivement. Mais en parallèle, les cheminots et leur CE avec à leur tête la CGT ont cherché depuis quelques années à ouvrir leur combat vers l’extérieur et m’ont demandé de faire des films sur les problèmes qu’ils rencontrent au quotidien et sur la casse du service public.

Gilles Balbastres
Gilles Balbastres
Réalisateur de nombreux documentaires : Le Chômage a une histoire (2001), Moulinex, la mécanique du pire (2003), EDF, les apprentis sorciers (2006), Fortunes et infortunes des familles du Nord (2008), Les Nouveaux Chiens de garde (2012), Salariés sans frontières (2012) et Vérités et mensonges sur la SNCF (2015).
Plus d’info : nada-info.fr

Dans un premier temps, j’ai tourné dans la région « Vérités et mensonges sur la SNCF », puis « Transport de marchandises : changeons d’ère ! » . Le but de la manœuvre est pour les cheminots d’une part d’informer un plus large public et de re-politiser les questions de transport, et d’autre part d’inverser la logique destructrice libérale.

Dans ce documentaire sont évoqués les coûts indirects que créent les camions, la mise en concurrence au sein même de la SNCF, premier transporteur routier. Comment expliquer ces choix politiques ?

Ces choix politiques – et c’est l’expression qu’il faut dire – s’inscrivent dans les politiques de dérégulations libérales entreprises depuis les années 80 par les gouvernements socialistes et de droite sous l’égide de l’Europe. La mondialisation de l’économie d’autre part avec la circulation incessante des marchandises fabriquées à moindre coût dans des pays où la main d’oeuvre est encore plus exploitée qu’en France est un autre des facteurs explicatifs.

Dans le film, j’évoque ces crevettes qui sont pêchées en mer du Nord ou en Baltique, transportées par poids-lourds au Maroc pour y être décortiquées, puis renvoyées au Pays-Bas ou en Allemagne pour y être vendues. Cela est possible parce que les salaires au Maroc sont très bas, et parce que le transport de marchandises par route ne respecte plus, ni les salariés, ni l’environnement. Tous ces dégâts ne sont pas payés par les transporteurs et sont au contraire pris en charge par la collectivité, ce qui fait que la route est nettement moins chère que le rail. Résultat : plus de 85% des marchandises sont aujourd’hui transportées par des camions. Comment s’étonner alors des pics actuels de pollutions aux particules fines !

Vos films documentaires sont accessibles librement sur Nada info et sur Youtube, dans le but d’être disponibles pour le plus grand nombre. Sont ils regardés fréquemment ? Le sont-ils par une population pas forcément sensibilisée ?

Force est de constater que la casse du fret ferroviaire s’est déroulée en une quinzaine d’années dans un silence médiatique assourdissant et dans une absence totale de débat public. Pour les cheminots comme pour beaucoup de citoyens, le problème de l’information est devenu essentiel. Pour les élus, il est important de briser cette omerta. D’où ces demandes de films et cette volonté de contourner l’information « officielle », en grande partie orientée et de tenter d’occuper des espaces comme ceux offerts par Internet. « Vérités et mensonges sur la SNCF » a été ainsi vu par plus de 100000 personnes et France 2 a même utilisé le documentaire dans un Envoyé Spécial de septembre dernier. Reste également la possibilité de projeter ces documentaires dans des salles. C’est à nous de récupérer l’espace public des débats.

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