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1959-2009 : Que reproche-t-on à Cuba ?

La révolution cubaine est devenue un point de crispation pour de nombreux communistes et même pour certains une attache (un fardeau ?) dont il faudrait se débarrasser. Est-il pourtant si difficile d’avoir un point de vue et une parole communistes, non dilués, sans céder aux préjugés rabâchés par l’ensemble de la classe politique et des médias ?

Est-il si difficile de se dégager de tout modèle, de tout passif, sans renoncer pour autant à l’internationalisme ? Est-il si difficile de pratiquer une solidarité lucide, critique, exigeante et respectueuse ?


Le cinquantième anniversaire de la révolution cubaine donne déjà lieu à une avalanche de haine et de mensonges. Comment se positionner ?

Faudrait-il, sous prétexte que ce ne serait pas notre affaire (folie !) ou que notre conception de la société nouvelle différerait, se taire ?

Cela nous condamnerait à un nouvel affaiblissement de nos marqueurs, à de nouvelles dilutions de nos valeurs, à abandonner « l’utopie » à une poignée de militants associatifs, spécialistes de la solidarité, hors parti... dont ils se sentent orphelins. Au cours des derniers mois, j’ai enchaîné des dizaines de conférences sur Cuba, sur le Che. J’ai pu mesurer combien est grande l’attente ’un parti qui se réapproprie et/ou réinvente l’internationalisme.

D’un parti qui conjugue à la fois la réflexion (sur la spécificité du socialisme cubain, fruit d’une histoire nationale, sur ses blocages, ses insuffisances, etc.) et en même temps l’engagement solidaire, les yeux grands ouverts. Est-il si difficile d’affirmer notre désaccord avec

les atteintes à telle ou telle liberté

et de reconnaître que, sans Cuba,

on ne parlerait pas aujourd’hui de « socialisme du XXIe siècle » dans une Amérique latine qui s’émancipe ? Ne ratons pas le coche. La recherche de nouvelles voies,

de nouvelles réponses, auxquelles j’adhère, ne sauraient nous ramener à déserter les combats constitutifs

de notre identité.

Est-il si difficile de comprendre que l’échec du projet états-unien stratégique de zone de libre-échange continentale doit beaucoup aux idées et aux initiatives de Fidel Castro et de Raul ? Que reproche-t-on à Cuba ? D’avoir résisté à une douzaine de présidents nord-américains (le dernier en date ayant appelé le peuple cubain à l’insurrection en octobre 2007). D’avoir enduré les pires épreuves, des sanctions inhumaines, sans abdiquer sa souveraineté, son indépendance nationales.

De consacrer 29,4 % de son budget à l’éducation nationale (6 % aux États-Unis). D’être différente d

u « modèle occidental ». De refuser

de nous ressembler et de céder aux chantages de l’européo-centrisme. De maintenir un État-nation fort. D’être réintégrée dans le giron latino-américain. De croire encore au socialisme, long processus historique dont Cuba n’est pas au bout.

Malgré l’érosion du consensus politique, les carences des contre-pouvoirs au parti unique, l’étatisation encore excessive,

Cuba vit un contexte général de changements. 70 % des Cubains d’aujourd’hui sont nés après 1959 et expriment des besoins renouvelés et incontournables de confrontations d’idées, d’épanouissement

de l’individu...

Que reprochent finalement à Cuba ceux qui rêvaient de révolution en 1968 et qui sont aujourd’hui rangés des voitures ? De ne pas avoir trahi.

Par Jean Ortiz, universitaire (*)

(*) Coordinateur de l’ouvrage : Che plus que jamais. Éditions Atlantica.

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