Dès les premières images, on comprend que ce film n’est pas comme les autres. L’impression d’une sorte de bizarrerie au sein du PAF s’installe. Elle se dissipe
dès qu’on en comprend la raison : les salariés concernés sont mis ici sur le même plan que les grands patrons et les technocrates. Contrairement au formatage télévisuel que nous subissons chaque jour, les premiers parlent, argumentent, sans se contenter de l’habituelle déploration confuse et fataliste. En regard de leurs analyses imparables, les discours patronaux perdent toute crédibilité et se révèlent aussi mensongers que démagogiques. Guillaume Pépy, patron de la SNCF n’est plus que sa propre caricature, sans que le cinéaste ait besoin de forcer le trait.
Les faits sont là , implacables. La décision de la SNCF d’abandonner le fret est
délibérée, programmée, visible partout en France, dans toutes les gares de triage : à Lomme, Bègle, Hourcade, Somain ... Les voies ne sont plus entretenues, le nombre de salariés est réduit à quelques personnes, les projets immobiliers s’accumulent. Dans le même temps, des hordes de camions envahissent les routes, y compris ceux de filiales de la SNCF elle-même, ou conduits par des chauffeurs sous-payés. Peu importe, c’est la collectivité qui paie l’entretien des routes, quand elle n’encourage pas toutes les dérives. L’abandon de l’éco-taxe en est un bel exemple.
Malgré les déclarations d’intention, comme le projet jamais sorti des cartons de « mettre les camions sur les rails », comme en Suisse, les chiffres sont là : en 30 ans, la masse des marchandises transportées en France par kilomètre à doublé, tandis que la part ferroviaire de ce trafic a été divisée par trois (2).
La stratégie de la SNCF est simple. Pour remettre en état les infrastructures abandonnées depuis des années, il faudrait dépenser une fortune ; il n’y a plus qu’à lever les bras au ciel en signe d’impuissance pour que gonflent les profits du transport routier et des sociétés d’autoroutes privatisées. Ecologie, accidents, pollution ? Allons, réjouissons-nous, la COP21, déjà en voie d’abandon, veille sur nous !
Quelle dérision. Dès qu’il s’agit d’organiser la casse des services publics, accessibles à tous, au profit de privatisations larvées, la méthode est éprouvée.
En général, sous couvert d’économies, on supprime des emplois. Ainsi à la Poste : le courrier prend du retard ? Les officines de livraison rapide se multiplient. L’école publique est saignée à blanc ? L’enseignement privé ne manque pas de moyens ! L’hôpital public est surchargé ? La Sécurité Sociale assume des responsabilités qui ne sont pas les siennes ? Les Hôpitaux privés en vivent ! Les banques, qui ont le culot de se parer des plumes mutualistes, sont à l’affût !
Autant de sujets de documentaires qui attendent Gilles Balbastre, en soutien aux luttes des salariés et pour notre plus grand plaisir. Le cinéaste y est prêt. Un service public démocratique de l’audio-visuel devrait l’être et ... ne l’est pas du tout ! C’est l’un des enjeux des prochaines échéances.