« L’Huma » dénonce les mensonges du discours présidentiel
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Au moins huit mensonges à l’heure

Contrevérités flagrantes, affirmations péremptoires ne correspondant à aucune réalité ont émaillé le discours présidentiel. On aura noté aussi certaines imprécisions, à l’évidence calculées, destinées à donner une impression, tout en laissant ouvertes toutes les hypothèses. Nous avons relevé huit énormes mensonges, et il n’est pas certain que d’autres prises de distance avec la réalité des faits ne puissent être débusquées.


Contrevérités

L’une de ces contrevérités a soulevé d’indignation les animateurs du collectif Sauvons la recherche, après avoir entendu le président de la République prétendre  : « â€¯Le collectif Sauvons la recherche ne s’exprime plus, les chercheurs ne font plus grève parce qu’ils ont des moyens comme jamais, malgré la crise.  » L’année 2009 a été marquée par le mouvement revendicatif le plus imposant survenu depuis 1968, rappelle son président Emmanuel Saint-James, et les chercheurs participent à toutes les luttes portées par le mouvement social.

Nicolas Sarkozy n’a pas convaincu. Pour le moins. Et c’est sur l’affaire Woerth-Bettencourt que ses propos suscitent le plus de suspicion. La théorie du complot, les « â€¯officines  » agissant dans l’ombre dans le but de gêner le gouvernement sur le dossier des retraites... 62 % des Français ne croient pas aux explications du président. Après trois ans d’un discours toujours plus éloigné de la vie réelle, la grande majorité des Français ont appris la circonspection.

1 « J’ai été élu pour résoudre ce problème (des retraites – NDLR), pas pour le regarder. »

Le président de la République aurait donc fait campagne sur le thème des retraites. Lorsqu’on se replonge dans son programme durant la campagne de l’élection présidentielle, cela n’a rien d’évident. « Le droit à la retraite à soixante ans doit demeurer, de même que les 35 heures continueront d’être la durée hebdomadaire légale du travail. Que ce soit un minimum, cela me va très bien. Ce que je n’accepte pas est que cela soit aussi un maximum », argumente le candidat Sarkozy dans le Monde en janvier 2007. Il n’est alors pas question de toucher à l’âge de départ, à soixante ans. En mai 2008, interrogé sur l’idée de la présidente du Medef, Laurence Parisot, de retarder le départ à la retraite à soixante-trois ans et demi, il réitère au micro de RTL : « Je ne le ferai pas pour un certain nombre de raisons. Et surtout car je n’en ai pas parlé pendant la campagne, je n’ai donc pas de mandat pour mener la réforme et, vous savez, cela compte pour moi. » Visiblement cela ne compte plus tant que ça

2 « Je dis aux 15 millions de retraités qu’on ne touchera pas à leur pension de retraite. » Le niveau des pensions baisse et va continuer de baisser. Le durcissement des critères d’accès à la retraite de la loi Balladur de 1993 a pour principal effet d’organiser le décrochage. Le niveau de retraite est calculé sur les 25 meilleures années de salaire. L’évolution des pensions est désindexée de celle des salaires pour être calquée sur les prix. Selon le Conseil d’orientation des retraites, le taux de remplacement net moyen devrait passer de 78 % en 2000 à 64 % en 2040. La loi Fillon de 2003 organise une baisse du même type dans la fonction publique. À cela s’ajoutent les conséquences de l’allongement de la durée de cotisation, qui, jumelé à un report de l’âge légal, va amputer le montant des futures retraites de ceux qui cumulent des périodes de chômage ou d’emplois précaires. Il en sera de même pour ceux qui ne tiendront pas jusqu’à 67 ans (taux plein). Aujourd’hui, l’âge moyen de cessation d’activité est de 59 ans. Le bilan de la réforme Sarkozy peut déjà être écrit. Comme le régime solidaire n’assurera plus une pension suffisante pour un âge de départ acceptable, chacun est incité à souscrire à une assurance individuelle pour « compléter » sa pension.

3 La pénibilité, cela n’existait pas jusqu’à présent. Nous créons un nouveau droit. » Comment laisser dire une telle contrevérité par celui dont le gouvernement vient de faire adopter, par un amendement glissé dans un projet de loi concernant un tout autre sujet, la fin de la retraite à cinquante-cinq ans pour les infirmières, profession pourtant reconnue comme particulièrement exposée à des conditions de travail pénibles (physiques, psychiques, mentales) ? Contrairement aux assertions du président de la République, le droit à un départ anticipé de certaines catégories de salariés existe. C’est le cas des fonctionnaires en service « actif » (contrôle aérien, CRS, douanes, police, prisons), de salariés d’entreprises publiques astreints à une continuité du service, mais aussi des mineurs, ou encore des routiers qui ont obtenu, après des années de lutte, la création du congé de fin d’activité qui s’apparente à un départ anticipé à cinquante-cinq ans. Loin de créer un nouveau droit, la réforme Sarkozy repousse l’horizon du départ anticipé à ... soixante ans ! Et ce, uniquement pour ceux qui font reconnaître une incapacité de travail d’au moins 20 %, soit seulement 10 000 personnes.

4 « Changer de juge ? Ce n’est pas ma conception de l’indépendance de la justice. »

Ou l’art de sciemment confondre le rôle d’un procureur, qui a un lien hiérarchique avec l’exécutif, et celui d’un juge d’instruction indépendant de par sa fonction... pour ne pas répondre à une question épineuse sur l’affaire Bettencourt- Woerth. Celle de savoir pourquoi un juge d’instruction n’est toujours pas nommé pour mener les enquêtes. Nicolas Sarkozy, faisant mine de croire que l’on a parlé du procureur de la République à Nanterre, Philippe Courroye, tour à tour appelé par lui « procureur » puis « juge » (!) puis, au final, « magistrat », a vanté son « indépendance », écartant par là même la nécessité d’en désigner un autre. Ainsi, le tour de passe-passe a permis non seulement au chef de l’État de ne pas répondre sur la désignation d’un juge d’instruction dans l’affaire Woerth-Bettencourt, mais encore de permettre au procureur Philippe Courroye, qui passe pour être proche de la présidence, de pouvoir seul poursuivre les différentes enquêtes sur les aspects les plus sensibles de ce dossier que sont le « financement illégal de parti politique » et le « blanchiment de fraude fiscale

5 « Le bouclier fi scal existe en Allemagne depuis plus de vingt ans. » Faux. Il n’y a jamais eu de bouclier fiscal en Allemagne. En 1995, la Cour constitutionnelle a rendu une décision limitant les impôts d’un contribuable à la moitié de ses revenus, mais cette disposition ne concernait que l’impôt sur la fortune, supprimé depuis. En 2006, cette même Cour précisait que ce taux pouvait être dépassé dans le cas de l’impôt sur le revenu. Autre contrevérité : « Nous sommes, avec la Suède, le pays d’Europe où les impôts sont les plus élevés », a déclaré le président. En fait, les impôts courants sur le revenu et le patrimoine des particuliers sont, en France, inférieurs à la moyenne européenne et (dixit le conseil supérieur des prélèvements obligatoires) « la part de l’impôt sur les sociétés dans le PIB apparaît particulièrement faible en France par rapport aux autres pays de l’Union européenne ».

6 « Il existait avant mon élection des contribuables qui payaient 100 % d’impôts. »

Avant l’élection de Nicolas Sarkozy, les riches étaient loin de vivre dans un enfer fiscal : le bouclier fiscal, mis en place par Dominique de Villepin en 2005, limitait déjà les contributions des plus aisés à un plafond de 60 % de leurs revenus. Nicolas Sarkozy en a ensuite abaissé officiellement le seuil à 50 %, manière de renvoyer l’ascenseur aux grandes fortunes qui l’avaient massivement soutenu. Mais, en réalité, le cas Bettencourt illustre bien le fait que les riches bénéficient d’une imposition largement inférieure à 50 %. Ainsi l’héritière de L’Oréal, qui a touché un chèque de 30 millions d’euros du fisc en 2008, ne paierait que 40 millions d’euros d’impôts par an. Soit 0,25 % d’une fortune estimée à 16 milliards d’euros, qui doit lui procurer des revenus de plusieurs centaines de millions d’euros tous les ans... Une imposition sur les revenus réels inférieure à 5 %, donc... et à celle de la majorité de la population. 7 « Il n’y a aucune raison (...) que les collectivités territoriales augmentent de 34 000 le nombre de fonctionnaires chaque année depuis dix ans à compétences constantes. »

Contrairement à ce que prétend le chef de l’État, les transferts de compétences et de personnels de l’État vers les collectivités, particulièrement les départements et les régions, se sont multipliés. Au point qu’un rapport de la Cour des comptes estime que ce sont, au total, plus de 80 000 agents qui ont été transférés de l’État aux collectivités territoriales ces dernières années. S’ajoute le fait que la gestion de compétences transférées comme celles des prestations sociales mais aussi les responsabilités assumées par les collectivités pour pallier les insuffisances de l’État dans nombre de domaines participent de cette augmentation justifiée du nombre de fonctionnaires.

8 « Nous avons obtenu des résultats spectaculaires (sur la sécurité). »

Pour la énième fois, Nicolas Sarkozy parle de bilan « spectaculaire » en matière de sécurité. Gonflé ! Rappelons que les fameux chiffres ne rendent compte que de la seule délinquance constatée par la police et la gendarmerie (plaintes et flagrants délits). Des chiffres objets de toutes les pressions hiérarchiques. Brice Hortefeux a ainsi annoncé un spectaculaire retournement de tendance en 2009 (- 1 %), alors que tous les voyants étaient au rouge quelques mois plus tôt ! Dans le détail, même ces chiffres arrangés restent inquiétants : les atteintes aux personnes ont encore progressé en 2009 (+ 0,9 %), ainsi que les vols avec violence (+ 6,9 %), les vols à la tire (+ 10,5 %) et les cambriolages (+ 4,4 %). Ce qui, en revanche, baisse et baissera encore longtemps, ce sont les effectifs de policiers et de gendarmes : 2 744 emplois en moins en 2010, auxquels s’ajouteront 11 400 d’ici à 2013... Spectaculaire, en effet !

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