dans Liberté Hebdo du 25 juillet
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Chômeurs, on vous accuse

La nouvelle loi concernant les offres d’emploi « raisonnables » est un vrai défi de guerre contre les chômeurs. Ambiance à la sortie d’une ANPE de Lille.


• « C’est un CPE à l’envers ». Voilà comment Jean-Luc voit les conséquences de la loi concernant « les droits et devoirs des demandeurs d’emploi » avec son principe de « l’offre raisonnable d’emploi ». Le projet de loi a été voté en fin de semaine dernière à l’Assemblée nationale par les députés de l’UMP et ceux du Nouveau Centre. Militant à l’association « AC ! » (Agir contre le chômage), Jean-Luc exprime sa colère, en ce lundi 21 juillet, devant l’Agence nationale pour l’emploi de la rue de Maubeuge, à Lille. L’association a fait de ce lieu le premier d’une tournée d’information dans diverses antennes de l’ANPE, destinée à alerter les chômeurs, à montrer le vrai visage de cette loi. La CGT n’avait pas agi autrement, l’autre matin, à Roubaix, devant la Maison de l’emploi puis l’Assedic, avant de réitérer l’opération à Lille, expliquant que les nouveaux devoirs mis en place vont « transformer des chômeurs en salariés précaires ».

Il est bien sûr impossible de se mettre à la place de l’ensemble des cas de chômage, si divers. Mais une donnée générale au moins est nette : actuellement, il n’est souvent rien proposé aux demandeurs d’emploi, comme dans le cas de cette femme au chômage depuis deux ans. Rien ? Rue de Maubeuge, le constat est flagrant. Fatma, Denis, Eliane et les autres sortent de l’agence sans offre. Tout au plus, quelquefois, avec une liste abstraite d’adresses et de numéros de téléphone. « C’est parce que l’ANPE n’a rien à vous proposer », assène Serge Havet, président de « Agir contre le chômage », cependant que le gouvernement, de son côté, agit contre les chômeurs, exactement comme s’il les rendait responsables du marché catastrophique de l’emploi.

Avec la nouvelle législation, le refus de deux offres successives dites « raisonnables » entraînera une radiation du Service public de l’emploi, lequel doit naître, dans les prochains mois, de la fusion ANPE-Unedic. Fatma, calme et sensée, commente cette disposition : « Il faut que l’offre corresponde à la personne », dit-elle. « Dans ce cas, il n’y a pas lieu de refuser ».

Espoir désenchanté

C’est bien là le hic de la loi, qui imposera beaucoup plus de devoirs qu’elle n’accordera de droits. Le texte institue, hypocritement, la notion de « projet personnel d’accès à l’emploi », comme si nous n’étions pas, depuis longtemps déjà , dans un marché de la précarité. Ce qu’un organisme étatique décrète « raisonnable » ne l’est pas forcément sur le terrain. Jean-Luc, qui ne décolère pas, s’en prend à une autre perfidie : « On essaie de nous faire avaler que la situation est toujours meilleure ailleurs. A Arras quand on se trouve à Lille, à Lille quand on se trouve à Arras ».

Denis, lui aussi, sait convertir en euros un langage juridique châtié. « On demande aux gens de se déplacer pour travailler, ou de déménager. Au prix de l’essence et des transports, merci ! Déménager ? Personne ne peut trouver un logement sans avoir un travail fixe ! ». A la recherche d’un poste « dans la sécurité » depuis le mois de février, ce jeune homme de trente-sept ans a répondu récemment à une annonce. Mais l’employeur ne fournissait pas le costume de travail. Denis, donc, de s’acheter une tenue. Aujourd’hui, ce costume lui fait sûrement une belle jambe : l’employeur ne répond même plus ! Voilà peut-être ce que le secrétaire d’Etat à l’emploi, Laurent Wauquiez, nomme du « sur-mesure » en évoquant une « philosophie » censée « mieux accompagner les demandeurs d’emploi ». Dans la réalité, les patrons d’entreprise méprisent généralement les candidatures spontanées, qui demandent pourtant des heures et des heures dans le quotidien d’un chômeur. Des heures d’espoir désenchanté. Alors, comment croire que la nouvelle loi va inciter davantage à l’embauche ? Sa teneur principale, sous prétexte de « mieux contrôler les abus » (ceux des chômeurs bien sûr, pas ceux des patrons), peut se résumer en deux mots : paupérisme et exclusion. Car, à y regarder de près, difficile dans le texte de trouver de nouveaux droits, alors que la lecture des nouvelles contraintes est fluide et claire. Dès le quatrième mois de chômage, les demandeurs d’emploi devront accepter un emploi rémunéré à au moins 95% de leur salaire antérieur, 85% au bout de six mois, et du montant de l’allocation qu’ils perçoivent au bout d’un an. Il y a donc bien une indécence, de la part du gouvernement, à parler de « contrats d’avenir ». Jean-Luc, actuellement sous contrat avec « AC ! », pointe du pouce la porte d’entrée de l’ANPE. « Mon avenir à moi, il est là », enrage-t-il. L’association, en lutte depuis des années contre le crime de chômage organisé, va devoir maintenant se battre en plus contre la criminalisation de ses victimes...

Albert LAMMERTYN

CGT : L’ensemble du monde du travail est concerné

• La CGT a dénoncé le vote à l’Assemblée nationale du projet de loi du gouvernement « restreignant les droits des demandeurs d’emploi », qui « aura un impact sur l’ensemble du monde du travail ». « Les premières conséquences de cette loi vont être, pour les demandeurs d’emploi au chômage au-delà de trois mois, qu’ils vont devoir accepter un emploi rémunéré en dessous de ce qu’ils percevaient auparavant », prédit la CGT. Pour ceux qui le sont depuis plus d’un an, le syndicat craint « un basculement dans la précarité et la pauvreté ». Le texte, de plus, programme la suppression progressive de la dispense de recherche d’emploi pour les salariés au chômage de plus de cinquante-sept ans et demi. « Les demandeurs d’emploi qui auraient pu bénéficier de la dispense de recherche d’emploi deviendront des nouveaux RMistes puisque les entreprises ne veulent pas des salariés âgés », souligne la CGT. La confédération indique vouloir « poursuivre la bataille dans le cadre de la négociation de la convention d’assurance chômage qui doit se tenir à partir de septembre pour réaffirmer le besoin d’indemniser tous les demandeurs d’emploi ».

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