Ce projet que l’on nommera, faute de mieux, libéral-populiste, a l’ambition de sembler sur la longue durée une majorité de notre peuple, particulièrement ses catéÂgories populaires, autour des valeurs hisÂtoriquement les plus conservatrices de la droite nationale, en prenant la précaution de les teinter de modernité et d’obtenir la caution de personnalités prétendument de gauche : la fascination pour la réussite individuelle, la valorisation inégalitaire du mérite au sein d’une concurrence définie comme naturelle, l’amour de la famille, de la terre et de la patrie, la passion du patrimoine, de l’argent et de la propriété, les attaques contre la laïcité prônant le retour du religieux comme mode de réguÂlation sociale et comme référent symboliÂque, la légitimation de l’autorité dans touÂtes les sphères de la société, l’appel à la génétique pour définir les déviances sociaÂles, sont autant de thèmes travaillés à lonÂgueur de discours et dont on aurait tort de sous-estimer l’impact par ces temps où la crise pousse à la perte et à la recomposiÂtion des repères.
Face à une aggravation brutale des effets sociaux de la crise du capitalisme mondiaÂlisé qu’ils savent inéluctable, les tenants du système sont aujourd’hui convaincus que la poursuite de cette domination passe par la reconquête d’une hégémonie cultuÂrelle et idéologique qui tente de refonder les termes d’un nouveau pacte national et social. Réduire la campagne sur l’identité nationale à un simple électoralisme, c’est s’interdire de voir l’ampleur de l’offensive idéologique, ses contenus comme son ambition : accompagner et permettre l’acÂtuelle déréglementation sociale généraliÂsée et l’attaque frontale contre la démocraÂtie à tous les échelons.
L’identité nationale est un concept dangeÂreux parce qu’il renvoie à une vision figée, linéaire, consensuelle de la nation française. Il n’y a pas d’identité collective homogène, mais des traits identitaires, des formes d’appartenance et de référence symboliques à une histoire elle-même complexe et par certains aspects contraÂdictoire. Pour s’en tenir à la seule dimenÂsion politique de ces représentations, celles-ci se sont construites en France depuis la Révolution française autour des combats émancipateurs symboliquement définis par la devise républicaine, liberté, égalité, fraternité, actualisées à chaque étape d’une histoire contradictoire qui a opposé les acteurs de la Commune, du Front populaire, de la Résistance, de la solidarité internationale, de Mai 68 à une droite majoritairement belliciste et coloÂnialiste, pétainiste et collaborationniste, anticommuniste et antisociale.
C’est dans ce contexte que s’est également construit notre rapport à l’immigration, à laquelle le patronat français a largement fait appel pour des raisons purement écoÂnomiques et démographiques. Là aussi, le mouvement ouvrier, particulièrement au siècle dernier, a opposé à cette logique le droit du sol, le syndicalisme unique, l’uniÂversalité de ses valeurs et une intégration politique. Certes, ce modèle était culturelÂlement assimilationniste et sa crise renÂvoie non seulement à la mutation radicale des modes de production, mais aussi à une aspiration des migrants d’aujourd’hui à faire vivre la diversité culturelle dont ils sont porteurs, parfois même de la pire des manières, le communautarisme. À nous de leur proposer d’inventer ensemble, contre la politique d’exclusion Sarkozy-Besson, un nouveau modèle fondé tout à la fois sur la libre circulation des individus, sur l’égalité des droits, sur le refus de toute discrimination, le respect de l’altérité culturelle tout en favorisant l’échange, le métissage et les combats communs.