Portraits de résistants
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Yvonne Abbas « Entrer en résistance est naturel »

La section de Lille du PCF salue la mémoire de notre camarade Yvonne Abbas, dont nous apprenons avec tristesse la disparition en ce mois de décembre 2015. Nous republions sur notre site le portrait que lui avait consacré l’Huma.

Portrait paru dans l’Humanité du 6 juillet, par Laurence Thibault, Laure Bougon, Fabrice Bourrée, Clémence Piet et Aurélie Pol 
de l’Association pour 
des études sur la Résistance intérieure (AERI)

À dix-sept ans, la jeune communiste Yvonne Abbas entre en résistance, mais le soir de ses vingt ans elle est arrêtée sur dénonciation et passe de prison en prison jusqu’à être déportée à Ravensbrück. 
Elle a poursuivi son combat en tant que présidente 
du musée de la Résistance à Denain.


Yvonne Abbas naît le 29 avril 1922 à Pérenchies (Nord), d’une mère flamande, Marie Huysentruyt, ouvrière textile, et d’un père algérien, Mustapha Abbas, manutentionnaire, mort en 1933 de tuberculose. Avec une formation de sténodactylo, elle entre dès quatorze ans aux Nouvelles Épiceries du Nord, où elle adhère à la CGT alimentation, puis dans l’industrie textile où elle milite au syndicat CGT du textile. En 1938, elle devient militante des Jeunes Filles de France et participe également aux activités des Amis de la nature et à celles des auberges de jeunesse.

Lorsque la guerre éclate en 1939, pour Yvonne Abbas, jeune communiste de dix-sept ans, entrer en résistance est naturel. « â€¯Nous étions entourés par le fascisme en Espagne, en Italie, en Allemagne, et comme les hommes étaient à la guerre, beaucoup de jeunes ont rejoint des mouvements de Résistance.  » Au côté de son mari Florent Debels (1920-1942), qui organise un des premiers groupes FTP du Nord, elle se lance dans la résistance. Elle se charge notamment du matériel de propagande, du ravitaillement et du logement de nombreux résistants.

Mais, le 29 avril 1942, soir de ses vingt ans, elle est arrêtée sur dénonciation d’un de ses camarades qui n’a pu résister à la torture. « â€¯La fatalité  », dit-elle. Elle est emmenée au commissariat central de Lille où des policiers s’efforcent, sans ménagements mais en vain, de lui faire dénoncer son mari et d’autres illégaux. Le 31 juillet 1942, la section spéciale de la cour d’appel de Douai la condamne à deux ans de prison pour « â€¯activité terroriste  ». Elle est incarcérée à la prison de Cuincy (Nord), emprisonnée dans une cellule de 8 m2, avec trois ou quatre autres détenues. La période est difficile. Elle part ensuite à la prison de la Roquette à Paris, puis à la centrale de Rennes (Ille-et-Vilaine).

Son mari, Florent Debels, est arrêté le 2 mai 1942, à Sin-le-Noble (Nord) chez Charles Loubry (jeune résistant de dix-sept ans) à la suite d’une « â€¯fuite  » d’un résistant gravement blessé, puis torturé et fusillé. De la prison de Cuincy, il est envoyé à la prison de Louvain (Belgique) où le tribunal militaire allemand le condamne à mort le 5 juin 1942 pour « â€¯détention d’armes à feu et propagande illégale communiste  ». Il est fusillé au crépuscule du 1er juillet 1942 au fort du Vert-Galant, à Wambrechies (Nord).

Libérable en mai 1944, Yvonne Abbas doit à la « â€¯vigilance  » du préfet du Nord son internement à sa sortie de prison car, « â€¯militante et propagandiste active du Parti communiste, l’intéressée me paraît susceptible de reprendre son activité communiste  ». Elle est internée à la forteresse de Romainville (Seine). De là , elle est déportée au camp de Ravensbrück. Le convoi ferroviaire durera cinq jours et quatre nuits dans des conditions épouvantables avant d’arriver dans ce camp pour femmes dont 92 000 déportées ne sont jamais revenues. « â€¯Ravensbrück était surnommé l’enfer des femmes, comme dans les autres camps, tout y était fait pour déshumaniser l’être humain.  »

Elle devient le matricule nº 35138, travaille douze heures par jour. Elle vit sans hygiène, dans la même tenue. « â€¯C’est l’humiliation la plus complète  », résume-t-elle. Mais, toujours, elle résiste. Elle est déplacée en Tchécoslovaquie à Holleischen, dans un camp de travail. Fin avril 1945, les nombreux bombardements apparaissent comme un espoir au bout de trente-sept mois de captivité. « â€¯C’était très long, chaque jour, on s’attendait à quelque chose  », se rappelle « â€¯Vonnie  », son surnom dans le camp. Le 5 mai 1945, les alliés arrivent.

De retour de déportation, jeune veuve, Yvonne Abbas-Debels a du mal à retrouver du travail. Elle devient employée municipale de La Madeleine (Nord) jusqu’à sa retraite. Plus tard, elle est élue conseillère municipale communiste. Elle consacre une partie importante de son militantisme aux anciens résistants, comme vérificatrice des médailles militaires, membre du comité national de l’Amicale de Ravensbrück, et comme présidente du comité de Lille de l’Anacr. Elle est nommée officier de la Légion d’honneur le 18 juin 1992 et élevée au grade de chevalier dans l’ordre des Palmes académiques.

Aujourd’hui, présidente du musée de la Résistance à Denain, Yvonne Abbas témoigne dans le cadre du Concours national de la Résistance et de la déportation à destination des collégiens et lycéens de la région Nord-Pas-de-Calais. « â€¯Je fais le choix de parler pour tous ceux qui ne sont pas revenus (...). C’est un devoir de mémoire.  »

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