Portraits de résistants
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BenoÎt Frachon. Luttes revendicatives et libération nationale

La section de Lille du PCF publiera sur son site une sélection des portraits quotidiens de résistants que l’Humanité propose tout au long de l’été.

Portrait paru dans l’Humanité du 2 août par Roger Bourderon

La Résistance doit au dirigeant de la CGT d’avoir lié la lutte syndicale et le combat antinazi. Il avait assis son autorité lors du Front populaire en négociant les accords de Matignon. En 1939, il dirige le PCF et prépare l’action clandestine.


Benoît Frachon naît le 13 mai 1893 au Chambon-Feugerolles (Loire) où son père est mineur. Il passe le certificat d’études en 1904. Apprenti puis ouvrier tourneur, il se syndique dès 1909, fait grève pour la première fois en 1910. Mobilisé en 1914 comme ouvrier à l’Arsenal de Guérigny (Nièvre), à nouveau métallo dans la Loire en 1919, il adhère au Parti communiste dès 1920, il est l’un des fondateurs de la CGTU, dont il est secrétaire départemental de la Loire, permanent en 1924. Il se marie en 1925 et a un fils en 1929. Membre du Bureau politique du Parti communiste en 1928, secrétaire de la CGTU en 1933, il s’installe à Montreuil. C’est en 1936 l’un des principaux artisans de la réunification syndicale. Il négocie les accords de Matignon en tant que co-secrétaire confédéral de la CGT réunifiée, dont Léon Jouhaux est resté secrétaire général.

Sommé, comme tous les communistes de la CGT, de désavouer le pacte germano-soviétique et refusant de le faire, il est déchu de son mandat par le bureau confédéral le 6 octobre 1939. La vigueur de la répression anticommuniste en France est pour beaucoup dans son acceptation de la nouvelle ligne de l’Internationale de la « â€¯guerre impérialiste des deux côtés  ». En raison de son incontestable autorité politique et syndicale, il est désigné, le 8 octobre, secrétaire du Parti en France, au cours d’une réunion de direction en Belgique où se trouve Jacques Duclos. Il devient « â€¯l’oncle  », « â€¯tonton  », en liaison avec Duclos à Bruxelles et Thorez à Moscou. Aux côtés d’Arthur Dallidet, responsable de l’organisation, il s’efforce de renouer les fils d’un Parti exsangue, fait paraître la presse clandestine, notamment l’Humanité et la Vie ouvrière. Avec l’invasion allemande, Frachon infléchit la ligne officielle vers la recherche des conditions d’une défense nationale  : il fait transmettre, le 6 juin 1940, au ministre Monzie des propositions visant, en particulier, à l’organisation de la défense de Paris, démarche demeurée sans réponse.

Dans des conditions mal connues, Frachon et Dallidet décident de quitter Paris le 12 juin avec d’autres dirigeants pour le Limousin, d’où ils rétablissent des liaisons avec Bordeaux, Clermont-Ferrand, Toulouse. Pendant ce séjour, Frachon apprend – et désapprouve – la demande de reparution de l’Humanité. Il revient au plus vite à Paris et, le 10 août, rencontre Duclos, investi le 5 août par l’Internationale de la responsabilité du Parti. Frachon acceptera sa version des faits sur les négociations avec Abetz. Ils assurent ensemble la direction de la lutte clandestine du Parti, qui sort peu à peu des impasses de l’analyse de la « â€¯guerre impérialiste  ». L’objectif premier est de renouer avec les diverses couches de la population, en particulier via la lutte revendicative. Pour mettre en place des premiers groupes de protection du Parti, l’organisation spéciale (OS), Frachon rencontre, en novembre, Charles Tillon, qui rejoint ainsi l’équipe Duclos-Frachon.

L’activité essentielle de Benoît Frachon est axée sur le mouvement syndical. Dans la presse clandestine, en particulier dans la Vie ouvrière et dans l’Humanité, il démystifie la démagogie sociale vichyste, appelle à la lutte revendicative des travailleurs dans l’unité, les invite à s’organiser dans les comités populaires clandestins et dans les syndicats légaux. Alors qu’à l’automne 1940 les invectives restent fréquentes contre les « â€¯traîtres réformistes  », il est soucieux de refaire l’unité syndicale et établit, en novembre, un contact avec Louis Saillant, ex-confédéré, membre de la commission exécutive de la CGT, hostile au projet de charte du travail de Pétain et à la Collaboration. Frachon participe, le 17 mai 1941, à une première réunion entre ex-confédérés et ex-unitaires. D’autres contacts ont lieu, notamment en juillet 1942, pour une plate-forme commune. Il faudra du temps pour surmonter certains désaccords – par exemple sur la lutte armée – mais les rencontres aboutissent en avril 1943 à la réunification de la CGT par les accords du Perreux. Frachon a directement participé à l’élaboration de la plate-forme revendicative proposée aux ex-confédérés.

Jusqu’à la Libération, l’activité syndicale sur le terrain comme au plan national est surtout le fait des unitaires, qui conquièrent dans la clandestinité la majorité de la CGT. Frachon acquiert ainsi l’autorité pour en devenir secrétaire général – lui-même proposera qu’elle ait deux secrétaires généraux, un ex-confédéré et un ex-unitaire. Frachon est aussi pour beaucoup dans la spécificité de l’intervention des travailleurs dans la lutte pour la libération nationale, à savoir la liaison constante entre luttes revendicatives, sabotage de la production, formation et action de groupes de combat dans les entreprises, les consignes immédiates évoluant en fonction de la conjoncture – ainsi la lutte contre le STO – ou de la situation générale – préparation de l’insurrection nationale en 1944. Pendant celle-ci, Frachon signe, le 22 août 1944, dans l’Humanité, un appel aux armes à l’intention des métallos parisiens.

Le 27 août 1944, Frachon s’installe avec le bureau confédéral au siège de la CGT, rue La Fayette. Symbole de l’unité retrouvée, il exerce la fonction de secrétaire général avec Louis Saillant, Léon Jouhaux étant en captivité. Le 10 septembre 1944, il énonce les grandes tâches de la CGT devant les cadres syndicaux de la région parisienne  : achever la guerre, reconstruire l’économie. Il lance la bataille de la production pour la reconstruction du pays, mais en la liant toujours à la satisfaction des revendications ouvrières. Il cédera rarement au discours productiviste, sauf, provisoirement, avec la « â€¯bataille du charbon  », fin 1945.

Après la guerre, Frachon est secrétaire général de la CGT avec Léon Jouhaux jusqu’à la scission de Force ouvrière, en 1947, avec Alain Le Léap, jusqu’en 1957, puis seul, jusqu’en 1967. Démissionnaire alors pour raison de santé, il est remplacé par Georges Séguy et devient président de la CGT. Il participe activement, en 1968, aux négociations de Grenelle. En 1973, il se retire aux Bordes (Loiret) où il décède le 4 août 1975.

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