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Comment Israël a mis en selle le Hamas

Tel-Aviv a favorisé délibérément l’implantation du mouvement islamiste, il y a vingt ans, pour diviser les Palestiniens et peser sur l’OLP et Yasser Arafat, comme le rappelle dans un article l’Humanité du 2 janvier.


Comment Israël a mis en selle le Hamas

Comment expliquer qu’en moins de vingt ans le Hamas soit devenu la première force politique dans les territoires occupés, au point de prendre le dessus sur le Fatah à Gaza et de le chasser au terme de terribles affrontements en juin 2007 ? Est-ce parce qu’il s’est posé en farouche opposant à Israël et aux accords d’Oslo et, partant, à l’OLP dont il ne fait pas partie et qu’il accuse d’avoir abandonné la revendication d’un État palestinien sur l’ensemble de la Palestine historique d’avant le partage de 1948 ? Ou parce que, comme tout mouvement islamiste, il a su pallier l’absence de l’Autorité palestinienne sur le terrain social, n’hésitant pas au besoin à instrumentaliser la corruption et l’enrichissement de certains dirigeants du Fatah ? Sans doute les deux à la fois. Mais on ne peut faire l’impasse sur le fait qu’Israël a fait en sorte de mettre en selle le Hamas, faisant tout pour disqualifier les laïcs au profit d’islamistes, tellement commodes à haïr.

Retour en arrière. À Gaza, durant les années 1970, Israël avait fort à faire avec le Fatah et les organisations de gauche palestiniennes. Et quand Ahmed Yassine, de retour du Caire, fraîchement diplômé d’Al-Azhar, crée une association islamique de bienfaisance, il est encouragé par l’administration militaire en charge de ce territoire. Selon l’hebdomadaire israélien Koteret Rashit, cité par le Monde du 18 novembre 1987, « le gouvernement militaire était convaincu que ces activités affaibliraient l’OLP et les organisations de gauche à Gaza ». Les islamistes, ajoutait-il, « étaient autorisés à faire venir de l’argent de l’étranger ». Et c’est ainsi qu’à l’ombre de la répression israélienne à l’endroit de l’OLP, les islamistes prennent leur envol, développent un important réseau d’aide sociale, mettent en place un réseau scolaire et l’université à Gaza - d’où sortiront les élites politiques du Hamas.

En octobre 1987, bien que pris de court par le début de l’Intifada, ils ne tardent pas à prendre le train en marche et, le 14 décembre de la même année, fondent le Hamas, lequel se sentant suffisamment fort se donne pour objectifs la création d’un État islamique et la réduction de l’influence de l’OLP ! C’est alors qu’Israël feint de découvrir la menace que représente le Hamas, alors que celui-ci bénéficiait jusque-là d’un préjugé favorable.

Quand sont signés les accords d’Oslo en 1993, le Hamas s’y oppose et s’emploie à les torpiller en multipliant les attentats suicide. Comme en écho, Israël négocie d’une main mais poursuit la colonisation de l’autre en multipliant les entraves pour retarder la création d’un État palestinien prévu alors au plus tard pour... la fin 1998.

L’arrivée d’Ariel Sharon au pouvoir en 2001, qui partage avec le Hamas une même hostilité aux accords d’Oslo, constitue un tournant majeur. Les attentats commis par les islamistes sont attribués à Arafat, dont Sharon interdit toute sortie de Ramallah. Israël entreprend de détruire les infrastructures de l’Autorité palestinienne qui préfiguraient les contours du futur État palestinien. Le port et l’aéroport de Gaza, des édifices publics, la radio-télévision, soit 2 000 institutions (80 % des infrastructures palestiniennes) financées par l’UE, sont ainsi détruits. Ce à quoi s’ajoutent l’arrachage de 950 000 arbres fruitiers et oliviers, le dynamitage de 62 000 habitations, les morts de civils..., et en arrière-plan les assassinats ciblés de cadres connus de l’OLP. En affaiblissant une Autorité palestinienne arc-boutée sur les seules résolutions onusiennes, ne disposant d’aucune marge de manoeuvre, Israël a ouvert le champ au Hamas.

L’Occident, quant à lui, a forcé la main à l’OLP pour organiser des élections législatives en 2006 alors que tout indiquait que le Hamas allait les remporter. Et quand ce fut chose faite, Washington et l’UE décidèrent, de concert avec Israël, de couper les vivres aux Palestiniens. Et c’est ainsi que, se nourrissant des échecs successifs du processus de paix, du refus d’Israël d’appliquer les résolutions de l’ONU et autres « feuilles de route », le Hamas a pu « prospérer » avant de prendre le pouvoir à Gaza en juin 2007.

Hassane Zerrouky

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