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Cuba, 50 ans après la révolution

Avec le nouvel an, et sur fond de difficultés économiques, les Cubains fêtent la victoire des « barbudos » sur la dictature de Batista.

Commémoration sans fard à Cuba du triomphe des « barbudos » le 1er janvier 1959 quand ils installent le pouvoir révolutionnaire et mettent en déroute le dictateur Fulgencio Batista. Che Guevara vient d’entrer dans la capitale, la colonne de Fidel Castro prend Santiago avant d’atteindre La Havane le 8 janvier, dans la liesse générale.


Le véritable coup d’envoi de la révolution avait été donné cinq ans plus tôt, après le putsch du général Batista renversant le gouvernement de Carlos Prio Socarras. Le 26 juillet 1953 le jeune avocat nationaliste Fidel Castro organise l’attaque de la caserne Moncada. C’est un échec et quatre-vingts combattants sont tués. Arrêté et condamné à 15 ans de prison, Fidel rédige « L’histoire m’acquittera », plaidoyer en faveur de la libération de son pays aux mains de l’oligarchie, gangrené par la corruption, devenu le « bordel » de l’Amérique. Il veut remettre le pouvoir au peuple.

Libéré en 1955, il s’exile avec son frère Raul au Mexique, d’où il organise la résistance à Batista. Son groupe devient le Mouvement du 26 juillet. Plusieurs opposants à la dictature le rejoignent, et parmi eux un jeune médecin argentin, Ernesto Rafael Guevara, que les exilés cubains appelleront « Che ». Le 2 décembre 1956, Fidel Castro monte une expédition avec 82 autres compagnons. C’est l’épopée mouvementée du Granma, dont seulement 12 combattants survivront (dont les frères Castro, Che et Camilo Cienfuegos), le repli dans la Sierra Maestra, l’organisation de la guérilla, le soutien populaire notamment des paysans, puis la victoire. Le retentissement est immense dans tout le continent. Son importance est d’autant plus grande que le castrisme va être à l’origine d’une expérience révolutionnaire sans précédent en Amérique latine.

Cinquante après, malgré les pressions, les attentats, les menaces, les sanctions, les tentatives de déstabilisation, Cuba n’a pas été précipité par le fond. Au contraire elle a résisté, et la petite flamme qu’elle a entretenue a été ranimée par nombre de ses voisins latino-américains tels le Venezuela ou la Bolivie. L’embargo exercé par les États-Unis pour rendre gorge à ce petit pays pauvre de 11 millions d’habitants, qui s’est doté d’une constitution socialiste, a pratiquement l’âge de la révolution cubaine. Il a de façon permanente empêché Cuba de prendre son envol économique. Le prix a été lourd à payer : après l’alignement sur l’URSS malgré des relations souvent tumultueuses, l’effondrement du bloc de l’Est a été catastrophique pour la grande île caraïbe, la plongeant, dans les années 1990, dans la « période spéciale » où chacun jouait alors sa survie.

Ce demi-siècle recouvre aussi le long pouvoir de Fidel Castro, suscitant doutes et critiques sur la validité d’un système où toutes les fonctions au sommet de l’État sont concentrées dans les mains d’un seul homme, où l’on ne fait pas toujours dans la dentelle s’agissant de la démocratie formelle. Sortir un peuple de la misère, lui donner l’égalité, la dignité et l’indépendance implique-t-il forcément le maintenir sous tutelle d’un pouvoir autoritaire ? La révolution cubaine a bénéficié au plus grand nombre de Cubains, notamment en matière d’éducation et de santé - joyaux dans un écrin abîmé. Mais le drapeau de la révolution n’a pas flotté pareil pour tout le monde, des centaines de milliers sont partis, de nombreux autres ont connu la prison.

Quoi qu’il en soit, gravement malade, Fidel Castro à l’indéniable charisme a passé la main officiellement le 19 février 2008. Il a été remplacé à la présidence par son frère Raul. L’ère de l’après-Fidel, sans soubresaut, a laissé augurer des changements notamment pour l’alimentation, les transports et le logement, objets des principales doléances des Cubains. De fait il y a eu des avancées que vient aujourd’hui contrarier l’onde de choc de la crise internationale.

Mais une discussion plus générale a eu lieu depuis de longs mois avec l’ensemble des Cubains, dans un exercice à grande échelle de démocratie participative, sur la manière de remettre de l’ordre dans l’économie, la rendre plus efficace et productive. Au nombre des premières mesures et pour réduire la dépendance alimentaire (80 % des importations), des terres ont été distribuées en usufruit à des paysans avec obligation de produire et de contribuer à la souveraineté (alimentaire) du pays.

Lors d’un discours samedi dernier à l’Assemblée nationale, Raul Castro a souligné que « chacun devait recevoir selon son travail » et que le salaire devait retrouver « sa vraie valeur ». La loi mettant fin à l’égalitarisme salarial doit entrer en vigueur le mois prochain. Par volonté de « rationaliser » les dépenses, il a aussi déclaré qu’il fallait « éliminer peu à peu les allocations indues » pour assurer l’égalité entre tous les Cubains. L’Assemblée nationale a également approuvé la « loi sociale » repoussant de cinq ans âge l’âge de la retraite (désormais 65 ans pour les hommes, 60 ans pour les femmes), prenant ainsi en compte « la réalité économique et démographique » de Cuba. D’autres mesures réclamées depuis longtemps par une population qui a soif de consommer ont été prises : l’accès aux hôtels pour ceux disposant de la monnaie convertible (CUC), les ordinateurs, téléphones portables, lecteurs de DVD, fours à micro-ondes, motos désormais en vente libre. Les Cubains pourront également acheter ou vendre leur véhicule ou leur logement. Le visa indispensable pour voyager pourrait disparaître. La bureaucratie commence à être dépoussiérée et l’administration de l’État est allégée.

Cuba avance à son rythme sur sa propre voie, dans un contexte international qui lui est sans doute plus favorable. Toutefois son économie traverse une période particulièrement difficile avec l’effondrement du cours du nickel (son premier poste à l’exportation) et surtout à cause du passage de trois ouragans qui ont provoqué pour plus de dix milliards de dollars de dégâts et nécessiteront plusieurs années pour tout remettre en état. Enfin, l’un des défis que La Havane doit continuer de relever est celui de ses relations avec Washington. Raul Castro s’est dit prêt à un dialogue « sans carotte ni bâton » avec le nouveau président américain. Barack Obama prendra prochainement ses fonctions. Pendant sa campagne électorale il s’était montré favorable à un « adoucissement » des relations avec Cuba (notamment sur les restrictions de voyage et l’envoi de fonds). Fera-t-il un pas ?

Bernard Duraud, dans l’Huma du 2 janvier

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